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« Le Quartet d’Oxford », de Clare Mac Cumhaill et Rachael Wiseman : quatre amies en quête philosophique

« Le Quartet d’Oxford. Quand Elizabeth Anscombe, Philippa Foot, Mary Midgley et Iris Murdoch réinventaient la philosophie » (Metaphysical Animals. How Four Women Brought Philosophy Back to Life), de Clare Mac Cumhaill et Rachael Wiseman, traduit de l’anglais par Rémi-Clot Goudard et Clotilde Meyer, préface de Manon Garcia, Flammarion, 488 p., 28 €, numérique 19 €.
Elles ont commencé leurs études à Oxford (Royaume-Uni) peu après l’entrée des troupes d’Hitler en Autriche. Bientôt, les hommes, pour beaucoup partis à la guerre, n’étaient plus là, occasion unique d’accéder aux études et, surtout, à l’enseignement, dans la « discipline notoirement inhospitalière aux femmes » qu’est la philosophie. C’est ainsi qu’Eli­zabeth Anscombe (1919-2001), ­Philippa Foot (1920-2010), Mary Midgley (1919-2018) et Iris Murdoch (1919-1999) ont contribué à faire renaître la philosophie anglophone de ses cendres.
Clare Mac Cumhaill et Rachael Wiseman, toutes deux enseignantes en ­philosophie, se sont rencontrées autour d’une lassitude et d’un désir communs. Fatiguées « d’écouter des hommes parler de livres écrits par des hommes pour des hommes », elles ­aspiraient à une pratique de la philosophie « plus engagée, plus créative et plus ouverte ». Surtout, elles voulaient philosopher « ensemble, en amies ». C’est dans cet esprit qu’elles ont coécrit Le Quartet d’Oxford, portrait croisé des quatre indéfectibles amies, qui, selon elles, ont, ensemble et chacune à sa manière, « réinventé » la ­philosophie.
Pour mener leur projet à bien, les deux autrices ont assemblé des lettres, des journaux, des carnets, des cartes postales. Elles se sont aussi longuement entretenues avec Mary Midgley à la fin de sa vie. Mais, au-delà de ce considérable travail biographique, ­elles produisent ici un véritable « contre-récit » de l’histoire de la philosophie anglophone. Car, quelques années avant que les quatre amies entrent à Oxford, s’y est amorcé le fameux « tournant analytique ». Soumise à un nouvel ensemble de méthodes logiques et scientifiques, la philosophie risquait, résument les autrices, de se laisser entraver par le positivisme : ­ « L’enquête métaphysique spéculative devait céder la place à la clarification logique et à l’analyse linguistique au service de la science. »
Contre ce formalisme, Elizabeth Anscombe, Philippa Foot, Mary Midgley et Iris Murdoch ont défendu une conception de la philosophie vécue et pratiquée non comme un exercice mais comme une nécessité, non sans tirer tout le profit possible de la méthode analytique. C’est ce qui leur a permis, écrivent les autrices, de renouveler les questions propres à cette « forme ancestrale d’investigation humaine, nourrie par des millénaires de conversation, et dont la tâche est de nous aider, collectivement, à trouver notre chemin au sein d’une vaste réalité qui nous transcende ».
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